dimanche 28 octobre 2018

SHANKARA – Hymne à Dakshinâmûrti


SHANKARA – Hymne à Dakshinâmûrti


Hymne traduit à partir de l’original sanscrit composé par Shankara.

Sachant que le terme dakshinâmûrti signifie, si on le décompose en dakshinâ-mûrti, l’aspect (mûrti) qui fait face au Sud (dakshinâ). Celui qui fait face au Sud doit, pour remplir pleinement cette exigence, être placé au Nord sur l’axe des pôles, car c’est de ce point unique que l’on fait toujours face au Sud. Dakshinâmûrti est donc Shiva en tant que Pôle, ce point originel moteur immobile du manifesté. C’est d’ailleurs le sens de ce terme si on le décompose en dakshina-amûrti, il est le principe (dakshina) informel (a-mûrti, non-forme). Il est celui qui produit le manifesté sans être lui-même manifesté, celui qui engendre le mouvement et donc le temps sans être lui-même soumis au temps. En ce sens, on le représente sous les traits d’un jeune adolescent, montrant ainsi qu’il n’est pas soumis à cette condition temporelle. Cette dimension primordiale est encore soulignée d’une façon particulièrement nette par le mode de son enseignement le « silence », le plus éminent symbole du nirguna Brahma, du Non-Etre.

Introduction-« Celui qui enseigne (vyâkhyâ) par le Silence (mauna) la vérité (tattva) réalisée (prakatita) du Suprême (para) Brahma, qui est un adolescent (yuvân), qui est le prince (indra) des précepteurs (âchârya), entouré (âvrita) d’un groupe de disciples (gana), de très vieux (varshishtha) sages (rishi) absorbés (nishtha) fermement en Brahma, celui dont l’attitude de la main signifie l’Illumination (chit-mudra), celui qui est la représentation (mûrti) de la béatitude (ânanda), qui se complaît (ârâma) dans le Soi (sva-âtmâ), qui a un doux (mudita) visage (vadana)- C’est [lui], « l’Aspect [de Shiva] qui fait face au Sud » (dakshinâ-mûrti), que nous adorons ».

Le terme mauna que l’on traduit par « silence » désigne littéralement « l’état de Muni ». Le Muni est celui qui a atteint le plus haut état spirituel. Identifié dans le Non-Etre, il est le symbole même du non-manifesté dont le silence est le suprême emblème. Mauna est ainsi le symbole du nirguna Brahma.

1- « A lui qui, par Mâyâ, comme en rêve (nidrâ, sommeil), voit (pashya) en son for intérieur (ni-ja-antar-gata) l’univers (vishva) qui est en lui (âtmâ), comme une cité (nagarî) apparaissant (DRiSH) dans un miroir (darpana), [mais] qui est manifesté (ud-BHû) comme extérieur (bahih): à lui qui perçoit (sâkshât-KRI), à l’instant (samaya) de l’éveil (prabodha), son propre (sva) Soi (âtmâ) comme non-duel (a-dvaya): à lui qui est la forme (mûrti) même du Guru, le bienheureux Dakshinâmûrti, à lui cet hommage ! »

2- « A lui qui, comme un magicien (mâyâvî, le fils de Mâyâ) ou même comme un grand (mahâ) Yogî, déploie (vi-JRiMBH), par son propre (sva) pouvoir (ichchhayâ), cet univers (jagat) indifférencié (nir-vikalpa) à l’origine (prân) comme le bourgeon (ankura) à l’intérieur (antar) du germe (bîja), mais différencié (chitrî-krita) ensuite par les diverses (vaichitrya) conditions (kalanâ) d’espace (desha) et de temps (kâla) posées (kalpita) par Mâyâ: à lui qui est la forme même du Guru, le bienheureux Dakshinâmûrti, à lui cet hommage ! »

3- « A lui dont la luminosité (sphurana) qui est être (sat) par nature (âtma-ka) éclaire (BHâS) le monde manifesté (kalpa-artha-ka) qui est comme le néant (a-sat): à lui qui enseigne (BUDH), par l’injonction (vachas) du Veda « tu es cela » (tat tvam asi), ceux qui le sollicitent (â-SHRI): à lui par qui, s’il est réalisé (karana BHû), il n’y aura plus d’autre (punar) chute (âvritti, retour) dans l’océan (ambhonidhi) de l’existence (bhava): à lui qui est la forme même du Guru, le bienheureux Dakshinâmûrti, à lui cet hommage ! »

L’injonction citée dans cette strophe se rattache au Sâma-Veda et se trouve énoncée dans la Chândogya-upanishad (VI, 8, 7). Elle fait partie des mahâ-vâkya (les paroles essentielles). Chaque mahâvâkhya est rattaché à un Veda. Au Rig-Veda correspond l’injonction « La connaissance est Brahma » (pra-jnânam Brahma) énoncée dans l’Aitareya-upanishad (V, 3). Au Yajur-Veda correspond l’injonction « Je suis Brahma » (aham Brahma asmi) énoncée dans la Brihad-âranyaka-upanishad (I, 4, 10). Et à l’Atharva-Veda correspond l’injonction « le Soi est Brahma » (ayam âtmâ Brahma) énoncée dans la Mândûkya-upanishad (2).

4- « A lui qui est lumineux (bhâs-vara) comme l’éclat (prabhâ) d’une grande lampe (mahâ-dîpa) installée (sthita) au sein (udara, ventre) d’un vase (ghata) percé de nombreux trous (chidra): à lui dont la connaissance (jnâna) s’extériorise (bahih SPAND) par l’oeil (chakshus) et par les autres organes (karana): à lui qui rayonne (BHâ) en tant que « je sais » (JNâ) et l’univers (jagat) entier (samasta) brille par lui (anu-BHâ): à lui qui est la forme même du Guru, le bienheureux Dakshinâmûrti, à lui cet hommage ! »

5- « Ceux qui connaissent (VID) le « Je » (aham) en tant que corps (deha), souffle (prâna), organes de sensation et d’action (indriya), intellect changeant (chala-buddhi) ou comme [étant] l’absence (shûnya, vide) sont abusés (BHRAM) comme les femmes (strî) et les enfants (bâla), les aveugles (andha) et les sots (jada, inerte), et ils parlent (vâdî) beaucoup: à lui qui est le destructeur (sam-hârî) de la grande illusion (mahâ-vyâmoha) produite (kalpita) par le jeu (vilâsa) de la puissance de Mâyâ (mâyâ-shakti): à lui qui est la forme même du Guru, le bienheureux Dakshinâmûrti, à lui cet hommage ! »

6- « A l’esprit (pumân), qui dans le sommeil (sushupta) est pur être (sat-mâtra), les sens (karana) anéantis (upa-sam-HRi), et qui dans le retrait du voilement (samâchchhâdana) de Mâyâ, comme le soleil (divâkara) et la lune (indu) dans l’éclipse (râhu-grasta), reconnaît (praty-abhi-JNâ) au réveil (prabodha-samaya, condition d’éveil): « j’ai dormi (SVAP) jusqu’à maintenant (prâk) »: à lui qui est la forme même du Guru, le bienheureux Dakshinâmûrti, à lui cet hommage ! »

7- « A lui qui, par l’attitude de la main signifiant la réalisation (bhadra-mudra), manifeste (prakatî KRi) à ses fidèles (bhajan) son propre (sva) Soi (âtmâ) qui brille (SPHUR) pour toujours (sadâ) intérieurement (antar) en tant que « Je » (aham), constamment (anu-vartamâna), dans tous (sarva) les états (avasthâ) inconstants (vyâvritti) tels que l’enfance (bâlya), etc., l’état de veille (jâgrat), etc.- à lui qui est la forme même du Guru, le bienheureux Dakshinâmûrti, à lui cet hommage ! »

8- « A l’esprit (purusha) qui, abusé (pari-BHRAM) par Mâyâ, voit (PASH), en rêve (svapna) et à l’état de veille (jâgrat), l’univers (vishva) dans ses distinctions (bheda) telles que cause (kârana) et effet (kârya), propriété (sambandha) et propriétaire (svâmi), maître (âchârya) et disciple (shishya), fils (putra) et père (pitri), etc.: à lui qui est la forme même du Guru, le bienheureux Dakshinâmûrti, à lui cet hommage ! »

9- « A lui dont l’octuple (ashtaka) forme (mûrti) est tout [cet univers] mouvant (chara) et immuable (a-chara), apparaissant (â-BHâ) en tant que terre (bhû), eau (ambhas), feu (anala), air (anila), éther (ambara), soleil (ahar-nâtha), lune (himâmshu) et esprit (pumân): à lui le suprême (para), le tout-pénétrant (vi-bhu), au-delà duquel rien d’autre n’est à connaître (VID) pour ceux qui sont en quête (vimrishan): à lui qui est la forme même du Guru, le bienheureux Dakshinâmûrti, à lui cet hommage ! »

10- « Puisque, dans cet hymne (stava), l’état du Soi intégral (sarva-âtma-tva) a été ainsi expliqué (sphutî KRi); en l’écoutant (shravana), en réfléchissant (manana) à sa signification (artha, le but), en le méditant (dhyâna) et en le récitant (samkîrtana), [alors] s’accompliront (AS) le royaume (îshvaratva) et la suprême splendeur (mahâ-vibhûti) de cet état de Soi intégral (sva-âtma-tva); ainsi sera réalisé (SIDH), à nouveau (punar), le pouvoir prodigieux (îshvarya), sans obstacle (a-vyâhata), qui se présente (pari-NAM) sous huit formes (ashta-dhâ) ».

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